LE
CABARET DU BOUT DE LA NUIT
Conception
et mise en scène José Manuel Cano Lopez
Si vous
vous attendiez à une soirée cabaret avec petites femmes qui dansent
jusqu’au bout de la nuit, c’est raté ! Dans ce titre, « nuit » veut
dire noir, sombre, horrible même puisqu’il s’agit d’une évocation de
la guerre de 1914/1918. Le « cabaret », c’est celui qui subsiste, qui
permet de vivre, l’espace de joie au milieu du chaos de la guerre.
Récits, poèmes de Rimbaud, Goethe, Ramuz et d’autres, musiques de Stravinsky,
Fauré, Satie, chansons populaires, art lyrique, chorégraphies, tout
cela bien structuré, très bien mis en scène nous entraîne dans un récit
de la grande guerre depuis la mobilisation, le départ vers le front,
les combats, le retour. Tout était parfait, les comédiens excellents,
la mise en scène inventive, le récit intéressant.
Mais alors
pourquoi n’ai-je pas du tout accroché ? Est-ce l’air froid qui m’arrivait
de sous la scène du théâtre municipal et qui me glaçait les pieds ?
La fatigue ?
Non tout cela s’oublie lorsqu’on est pris, entraîné, embarqué dans une
histoire qui vous tient en haleine. Non, Je pense que trop c’est trop.
Je m’explique. Cette profusion de techniques, il me semble, éparpille
le récit. Quand on commence à entrer dans une histoire, elle s’arrête,
coupée par une chanson, une danse ou un effet. Quand le texte est beau,
fort et grave, comme il l’était, il se suffit à lui-même. Trop de mise
en scène rompt l’écoute et disperse l’attention.
Enfin, pour moi c’est comme ça. Peut-être suis-je un peu instable ?
En tous cas je suis sortie énervée de ne pas avoir profité pleinement
de ce spectacle d’une grande qualité parce que je n’ai pas trouvé la
clef pour entrer en empathie avec les personnages, avec les textes,
parce que je suis restée au bord de l’émotion. Dommage !
Ana
UNE
VISITE INOPPORTUNE
Avec
Bernard Menez sur une mise en scène de Mario Dragunsky.
D’abord
je dois vous dire, pour ceux qui ne le savaient déjà, que Copi est né
à Buenos Aires et que c’est un auteur reconnu. « Une visite inopportune »
est sa dernière pièce et il est mort du sida pendant les répétitions.
Il raconte
l’histoire de Cyrille, grand acteur, qui, lui aussi atteint du sida
est à l’hôpital depuis deux ans et a transformé sa chambre en loge,
en boudoir, enfin en un lieu de vie à sa convenance. Sa mort est proche,
il le sait. Mais il est avant tout acteur, alors pourquoi ne pas théâtraliser
sa mort ?
Autour
de lui, des personnages loufoques : une infirmière hystérique amoureuse
du professeur, un professeur qui a décidé de procéder à une lobotomie
tous les dimanches sur le premier patient qui se présente, au hasard,
une cantatrice qui ne s’exprime qu’en chantant, Hubert un homosexuel
amoureux depuis toujours de Cyrille et enfin un jeune homme qui ne dit
quasiment rien de toute la pièce ( un rôle en or !) et qui, on le saura
à la fin, pourrait être le fils de Cyrille…ou d’Hubert… Ah ! J’oubliais
la Mort personnifiée par une danseuse espagnole ravissante.
Ah ! Si la mort avait ce visage j’en connais plus d’un qui se précipiterait
vers elle. Parlons-en de la mort.
La pièce
commence par cette danseuse qui danse, qui danse, qui danse… c’est long.
Je chuchote à mon mari :
- «
C’est bien du théâtre qu’on est venu voir ? On ne s’est pas trompé
de spectacle ?
- Non,
ce doit être la mort », me répond-il.
Comment
sait-il ça, lui ? Dieu qu’il est intelligent ! Et moi qui n’avais pas
compris ! Mais c’est long tout de même.
Puis
enfin, les acteurs entrent en scène. Avec le cocktail de personnages
explosifs que je vous ai décrit, nous aurions dû baigner dans un jaillissement
de dérision, d’absurde, d’excès. D’autant que tous les ingrédients étaient
là : coups de feu, poison supposé, étouffement de la cantatrice avec
une cuisse de poulet…
Et bien
non. C’est
mou. Je n’ai pas d’autre mot pour exprimer l’ambiance générale de la
pièce. Dans cette salle où l’acoustique est formidable, il m’est arrivé
de ne pas entendre ce que marmonnait le professeur (et metteur en scène).
La cantatrice hurlait mais on ne comprenait pas toujours ce qu’elle
disait. Bernard Menez était juste, je veux dire qu’il jouait juste mais
sans plus.
La fin
m’a paru plus intéressante que le début, peut-être parce qu’elle était
plus grave et demandait moins de loufoquerie. La pièce de Copi est immense
mais ni la mise en scène, ni les acteurs n’étaient à sa mesure. Tout
ça manquait de folie et paradoxalement, pour une pièce qui parle de
la mort, je trouve qu’elle manquait de vie. J’aimerais la voir montée
et jouée autrement.
C’était
donc une soirée très mitigée. C’est la première fois que je suis déçue
par un spectacle au Pôle Culturel.
Mais enfin tout n’est pas négatif puisque j’ai découvert Copi et il
en vaut la peine.
La note
locale : Cette pièce conviendrait bien à une troupe amateur dont le
siège est à Aurice et qui s’appelle le TN10. Je suis sûre qu’ils en
feraient quelque chose de bien. Ils ont la folie et la dérision nécessaires
pour s’attaquer à ce genre de sujet.
Ana
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